Bombay de notre envoy? sp?cial
Avec fiert?, elles disent travailler pour l’exportation, l’Allemagne, la France, l’Espagne, des destinations qui les font r?ver. Elles confectionnent des sacs, des nappes, des pi?ces de drap. Au mur, des chromos jaunis du dieu hindou Ganesh, de J?sus et des affiches d’exercice de yoga.
"Les couturi?res de Creative Handicraft -"artisanat cr?atif"- sont les meilleures de Bombay", assure Rosy. Entre un mari col?rique et une famille qui l’a chass?e, Rosy a trouv? son salut dans cette coop?rative g?r?e par des femmes. "Quand j’ai re?u ma premi?re paie de 50 roupies -1 euro-, j’?tais rouge de honte." Elle touche ? pr?sent 2 000 roupies par mois, nourrit et scolarise ses enfants. Quant ? son mari, il subvient aux besoins de sa seule famille d’origine, douze personnes vivant dans 8 m2.
Ces femmes font le m?me r?cit de maris violents, alcooliques (la bi?re, le sharab font des ravages). "En Inde, la femme jeune est esclave de ses parents, adulte de son mari, vieille de ses enfants", dit l’une d’elles. Dans ce pays, le seul au monde o? les femmes sont moins nombreuses que les hommes, avortements et infanticides de petites filles progressent.
Les ?pouses vite seules : "Le jour du mariage, l’homme vous offre un collier de perles, vous fait quatre enfants en quatre ans, puis vous abandonne." Le cas de veuves devenues charges pour la belle-famille et se jetant sur le b?cher du mari mort n’est pas si rare.
SYST?ME D’?PARGNE ET DE MICROCR?DITS
Lanc? il y a vingt ans, Creative Handicraft part de l’id?e que pour r?duire le travail des enfants et les ramener ? l’?cole il faut permettre ? la m?re d’avoir un revenu. La promotion de la femme commence par sa libert? ?conomique. Quelques personnes dont une religieuse espagnole ont regroup? des femmes sans qualification.
Elles sont aujourd’hui 200, font tourner la coop?rative, d?veloppent un march? local, vendent ? l’?tranger, ont mis au point un syst?me d’?pargne et de microcr?dits. Celles qui n’arrivent pas ? suivre restent en cuisine pour une activit? de restauration ? domicile des entreprises du quartier. Elles sont hindoues, chr?tiennes ou musulmanes.
Les r?sultats sont encourageants. Le volume d’affaires est de 250 000 euros, mais la coop?rative doit changer de rythme, renouveler plus souvent ses catalogues, r?pondre aux exigences de qualit? des consommateurs ?trangers. Martin Le Herpeur, un designer fran?ais, leur a rendu visite. Le Comit? catholique fran?ais contre la faim et pour le d?veloppement (CCFD) soutient cette exp?rience de promotion f?minine, ainsi qu’une cha?ne de supermarch?s fran?ais qui vend les articles de la coop?rative dans ses rayons de commerce ?quitable.
Les petits managers, qui sont les rois ? Bombay, les regardent de haut, mais Rosy rayonne : "La femme indienne n’a pas les moyens d’acheter son bonheur, mais elle doit ?tre pr?te ? le recevoir."