New Delhi de notre envoy? sp?cial
L’Inde se verrait bien en "bureau du monde", ? l’image d’une Chine m?tamorphos?e en "atelier de la plan?te" et ? la faveur d’une rare p?riode d’euphorie ?conomique. Mais les sceptiques attribuent cette envol?e ? une mousson exceptionnellement bonne, dans un pays de plus de 1 milliard d’habitants dont 70 % vivent ? la campagne. Le traditionnel "effet mousson" peut-il expliquer un taux de croissance qui pourrait d?passer les 7 % dans l’ann?e fiscale en cours (avril 2003 - avril 2004), au lieu des 4,4 % enregistr?s en 2002-2003, cette fois ? cause d’une grande s?cheresse ? Emport?s par l’optimisme, les milieux d’affaires et gouvernementaux pr?f?rent encenser l’expansion rapide des services d?localis?s de l’"India Inc." (l’"entreprise Inde").
Il aura suffi d’un peu plus d’une d?cennie pour que le pays devienne la premi?re destination mondiale de la sous-traitance de services informatiques. Sa masse de dipl?m?s anglophones de qualit? et bon march?, combin?e ? la baisse des prix des t?l?communications ? grande vitesse, expliquent le ph?nom?ne. Au d?but des ann?es 1990, l’Inde a d’abord attir? la plupart des grandes compagnies am?ricaines. Il s’agissait alors de t?ches r?p?titives allant des centres d’appels t?l?phoniques ? la saisie de donn?es (dossiers m?dicaux, contentieux d’assurances, r?servation de billets d’avion). American Express a ainsi d?localis? sa gestion des cartes de cr?dit, General Electric ses rapports annuels ou ses factures.
"HOMME DE L’ANN?E"
Le "boom" s’est confirm? quand, s?duites par les atouts indiens, les soci?t?s, principalement anglo-saxonnes, se sont tourn?es vers des activit?s ? plus haute valeur ajout?e. Depuis peu, les centres de recherche et d?veloppement (R/D) ont commenc? de fleurir en Inde, pour l’industrie lourde (General Motors, General Electric ou la Snecma), Internet (Google) ou les microprocesseurs (Intel et Texas Instruments). A partir de Bangalore, les 900 ing?nieurs de Texas Instruments ont ainsi lanc? quelque 225 brevets concernant des puces ?lectroniques. Aujourd’hui, Nasscom, l’association indienne des entreprises de logiciels et de services informatiques, indique que les exportations du secteur ont connu une augmentation annuelle de pr?s de 30 % depuis 2002, au point de repr?senter 3,2 % du PIB en 2003 (1,2 % en 1998). Pour le pr?sident de Nasscom, Kiran Karnik, d?clar? "homme de l’ann?e" par le magazine am?ricain Forbes, "l’industrie des logiciels et des services indiens a permis -? ses clients ?trangers- de substantielles baisses des co?ts, ainsi que des gains de productivit? et de qualit?". Une mani?re de r?pondre aux m?contentements qui s’expriment, dans plusieurs Etats am?ricains et en Grande-Bretagne, face ? cette concurrence jug?e d?loyale.
L’Inde, font encore remarquer ses d?cideurs, forme chaque ann?e 250 000 dipl?m?s anglophones de niveau international et 290 000 ing?nieurs. Leurs salaires d’embauche sont de cinq ? dix fois inf?rieurs ? ceux de leurs homologues occidentaux. Et le mouvement de d?localisation gagne du terrain. "Le ph?nom?ne n’est plus limit? au "triangle d’or" reliant Bangalore, Madras et Hyderabad. Il fait tache d’huile, que ce soit pr?s de New Delhi avec Gurgaon et Noida, ou ? Calcutta et Puni", observe Jean-Louis Latour, ? la mission ?conomique de l’ambassade de France ? New Delhi.
Cette strat?gie de d?veloppement peut-elle tirer l’?conomie indienne vers le haut ? Nasscom consid?re que 200 000 travailleurs indiens travaillent dans le secteur des services orient?s vers l’exportation. Et les projections les plus optimistes, comme celles du bureau d’?tudes McKinsey, tablent sur 4 millions d’employ?s dans le secteur en 2008... des chiffres ? rapporter aux 500 millions d’actifs indiens.
IN?GALIT?S PROFONDES
Cela n’emp?che pas les autorit?s de New Delhi d’associer les succ?s de l’"India Inc." ? une mont?e en puissance des classes moyennes urbaines (?valu?es entre 150 et 300 millions d’habitants). Cela ne masque pas davantage les in?galit?s profondes d’une soci?t? indienne o? plus d’un quart des habitants vivent en dessous du seuil de pauvret? (moins de 1 dollar par jour).
De l’avis g?n?ral, seule une croissance soutenue pourrait mettre fin aux probl?mes de pauvret?, de malnutrition, de manque d’eau potable ou d’?lectricit? qui demeurent le lot commun des masses indiennes. Voulant profiter de l’euphorie ambiante, le gouvernement a cependant d?cid? d’avancer la date des ?lections g?n?rales. Elles devraient se tenir avant la fin d’avril, soit deux mois avant le d?but de la prochaine mousson.