Un char all?gorique repr?sentant un ?pervier aux ailes d?ploy?es ouvrait triomphalement, d?but mars, le d?fil? de l’?cole de samba "Gavioes da Fiel" (Eperviers de la fid?le), sacr?e championne du dernier carnaval de Sao Paulo. Depuis la mi-ao?t, le rapace en carton-p?te d?fra?chi fait fonction d’improbable abri de fortune : deux militants du Mouvement des travailleurs sans toit (MTST) ont transform? son socle m?tallique en forme de caisson, rel?gu? dans un parking, en dortoir improvis?.
Tout autour, ? l’?cart des cinq "WC chimiques" (latrines transportables) install?es par la municipalit?, une trentaine de baraques rudimentaires h?bergent des SDF accueillis par la "Fiel", qui est ?galement la principale "torcida organizada" (organisation de supporteurs) du Corinthians, le club le plus populaire de Sao Paulo.
"DROITS FONDAMENTAUX"
Ces sans-logis font partie des 1 500 familles expuls?es sur ordre judiciaire, le 7 ao?t, du terrain de 114 hectares ? Sao Bernardo do Campo, appartenant ? Volkswagen et inutilis? depuis des lustres, squatt? pendant vingt jours.
C’est dans cette cit? industrielle de 750 000 habitants, dans la banlieue de Sao Paulo, que le pr?sident Luiz Inacio Lula da Silva, ancien m?tallo, a fait toute sa carri?re syndicale puis politique.
Porte-parole du groupe, Camila Alves, 24 ans, ancienne ?ducatrice d’expression corporelle dans un centre culturel et membre de la coordination r?gionale du MTST, s’efforce de "r?veiller la conscience des exclus sur la l?gitimit? de revendiquer leurs droits fondamentaux", sans jamais, tient-elle ? pr?ciser, avoir adh?r? ? un parti politique.
"Les m?dias nous accusent de mettre la d?mocratie en danger par nos actions. C’est tout le contraire. Les mouvements sociaux veulent justement la r?tablir en rendant aux pauvres leur condition de citoyens ? part enti?re. Lula doit assumer ses promesses ?lectorales", ajoute Flavio Francisco, son second, ?g? de 18 ans.
Pendant que le Mouvement des paysans sans terre (MST) poursuit sa campagne agressive en faveur de la r?forme agraire en occupant, dans tout le pays, des grandes propri?t?s en friche, celui des sans-toit, sa "filiale" urbaine, multiplie depuis deux mois les invasions d’immeubles vides ? Sao Paulo et dans sa grande banlieue. N? en 1997, le MTST a pour devise "occuper, r?sister et construire".
A Osasco et ? Guarulhos, municipalit?s limitrophes de Sao Paulo, le MTST administre deux campements r?unissant pr?s de 5 000 familles, incapables de payer le moindre loyer, m?me dans une "favela" (bidonville), en raison du ch?mage galopant - pr?s de 20 % de la population active dans cette r?gion.
Ses dirigeants, tr?s jeunes pour la plupart, suivent r?guli?rement des "stages de formation" chez les sans-terre, confie Eliana Ferreira, animatrice du collectif d’avocats au service des diverses organisations de sans-toit. Elle a quitt?, en 1997, le Parti des travailleurs fond? par le pr?sident Lula pour le Parti des travailleurs socialistes unifi?s (extr?me gauche).
La r?cente ?vacuation pacifique du terrain de Volkswagen, d?biteur envers l’Etat de 5 millions de reals (1,7 million d’euros) d’arri?r?s d’imp?ts fonciers, illustre, selon elle, "les r?ticences des d?sh?rit?s ? s’attaquer de front au gouvernement incarn? par Lula, leur d?fenseur proclam?. Moi, je voulais qu’ils aillent camper devant la maison du pr?sident".
Dans la seule commune de Sao Bernardo, l’une des plus riches du Br?sil, autrefois le fief de l’industrie automobile et de l’aristocratie ouvri?re, 150 000 personnes vivent dans des "favelas" ou des logements insalubres. "Ce n’est pas en suivant les pr?ceptes du Fonds mon?taire international, estime l’avocate, que la situation va s’am?liorer."