Le VHP [Vishva Hindu Parishad, Conseil mondial des hindous], qui m?ne une campagne pour la construction d’un temple ? Ayodhya la place d’une mosqu?e que les fanatiques hindous avaient d?truite en d?cembre 1992, a annonc? qu’il projetait de d?buter les travaux ? partir du 12 mars. Pour les responsables de ce parti [ultranationaliste hindou], l’op?ration sera obligatoirement un succ?s. Ils sont en effet convaincus que le pouvoir central, dirig? par le BJP [Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien, ?galement ultranationaliste], n’osera pas faire respecter ses d?cisions [New Delhi veut maintenir le statu quo]. Si la situation d?rape, expliquent-ils, le Premier ministre Atal Bihari Vajpayee devra forc?ment s’aligner sur Rajnath Singh [Premier ministre de l’Uttar Pradesh en 1992, au moment de la destruction de la mosqu?e par les militants hindouistes]. Apr?s avoir refus? de faire usage de la force contre les fid?les du dieu Rama, il devra reconna?tre son incapacit? ? maintenir le statu quo et sera oblig? de pr?senter sa d?mission. Et le temple sera construit, comme pr?vu.
A en croire certains hauts responsables du VHP, l’essentiel du travail pr?paratoire ? l’?rection du temple est achev?. Plusieurs parties du b?timent ont d?j? ?t? fabriqu?es dans des ateliers r?partis dans tout le pays. "Le plus gros du travail a ?t? fait ? Jaipur et Ayodhya. Il reste maintenant ? acheminer les ?l?ments sculpt?s sur le site et ? les mettre en place. Toutes les sculptures pour la structure de base sont termin?es. Le temple pourrait ?tre ?rig? en quelques heures." Une fois que des centaines de milliers de personnes se seront rassembl?es sur le site, expliquent les militants, aucune force au monde ne pourra les emp?cher de faire ce qu’elles veulent. "Au pire", d?clare Acharya Giriraj Kishore, le vice-pr?sident du VHP, "ils ouvriront le feu, mais souvenez-vous, en 1990, un ?norme rassemblement de forces polici?res n’avait pas pu emp?cher les hindouistes de grimper sur le d?me de la mosqu?e Babri Masjid et d’y faire flotter le drapeau safran [couleur des nationalistes hindous]. Alors, que vont-ils faire de plus cette fois ? Tuer des gens ? Nous y sommes pr?par?s."
Deux mille militants du VHP vont s’installer ? Ayodhya ? partir du 16 f?vrier prochain. Ils r?citeront des mantras et accompliront des rites pendant cent jours, puis commenceront la construction. Lorsque L.K. Advani, le ministre de l’Int?rieur du gouvernement central, a d?clar? devant la Lok Sabha [chambre basse du Parlement f?d?ral] que le gouvernement ne permettrait ? personne de rompre le statu quo ? Ayodhya, Kishore n’a pas tard? ? r?pliquer. "Nous n’avons pas besoin de la permission du gouvernement pour construire le temple, a-t-il soulign?. Ils peuvent dire ou faire ce qu’ils veulent. Notre programme reste inchang?. Quand des centaines de milliers de personnes auront converg? sur Ayodhya et auront entour? le site, le gouvernement sera-t-il en mesure de les emp?cher de faire ce qu’elles veulent ? Quand le peuple veut quelque chose, le gouvernement doit c?der."
Ce genre d’action ne provoquera-t-il pas la chute du gouvernement Vajpayee ? Cette ?ventualit? ne semble pas g?ner le VHP. "Notre responsabilit? ne consiste pas ? assurer la survie du gouvernement, r?pond Kishore. Pour nous, le plus important c’est le temple. De toute fa?on, le gouvernement Vajpayee n’est pas vraiment un gouvernement BJP ; il d?pend trop de ses alli?s [de partis r?gionalistes]." Le VHP a re?u dans cette affaire le soutien inconditionnel du RSS [Rashtriya Swayamsevak Sangh, Association des volontaires nationaux, l’organisation ultranationaliste la plus importante du pays]. Son porte-parole, M.G. Vaidya, a d?clar? lors d’une conf?rence de presse, le 6 d?cembre 2001, que son mouvement projetait pour sa part de construire des temples ? Kashi et Mathura [apr?s avoir d?truit les mosqu?es qui occupent les lieux].
Le gouvernement, de son c?t?, a exprim? sa d?termination de maintenir le statu quo ? Ayodhya. La derni?re d?claration publique sur la question a eu lieu ? la Lok Sabha au cours du d?bat qui a suivi l’intrusion, le 17 octobre, des chefs du VHP dans le temple de fortune [qui avait ?t? dress? apr?s la destruction de la mosqu?e en 1992], malgr? une d?cision de justice qui leur en interdisait l’acc?s. Le ministre de l’Int?rieur a affirm? ? cette occasion : "Nous sommes responsables du statu quo ? Ayodhya. La cour supr?me a ordonn? son maintien et interdit toute modification, alt?ration ou ajout ? la structure existante. Nous ne laisserons personne rompre ce statu quo." Mais alors comment expliquer la mansu?tude dont on a fait preuve ? l’?gard des leaders du VHP apr?s ces ?v?nements ? Ils n’ont r?colt? qu’un proc?s-verbal pour "entrave au travail du personnel du gouvernement". Cette distance entre les paroles et les actes enl?ve toute cr?dibilit? au gouvernement. Du coup, on peut effectivement penser que si la situation d?g?n?re, le gouvernement se contentera de jouer les spectateurs muets, comme en 1992.
Cette nouvelle agression des ultranationalistes hindous a d?j? vici? l’atmosph?re. Plusieurs organisations musulmanes ont d?clar? qu’elles interviendraient physiquement si le gouvernement ne parvenait pas ? emp?cher le VHP de construire son temple ? Ayodhya. Il semblerait que le gouvernement f?d?ral et celui de l’Uttar Pradesh n’?taient pas pr?ts ? faire face ? l’attaque du VHP. Et la situation ne fera qu’empirer si le BJP ne gagne pas les ?lections dans cet Etat en f?vrier.