Ainsi, le 43e pr?sident des Etats-Unis a d?boulonn? le dictateur Saddam Hussein du pouvoir. On savait, depuis le choc des attentats terroristes, que l’homme ?tait anim? de la volont? d’en d?coudre. La guerre qu’il a engag?e malgr? les oppositions internationales r?v?le d’autant plus son d?sir de vengeance inextinguible. Selon le psychanalyste et enseignant Adnan Houbballah*, interview? par "L’Orient-Le Jour" de Beyrouth, George Bush, en d?clenchant le conflit en Irak, a manifest? "la volont? ?conomique de contr?ler le peuple irakien ; la volont? g?opolitique d’en finir avec ’l’axe du mal’; et la volont? d?mocratique d’en finir avec un r?gime autocratique". Cette affirmation de soi, en rupture avec son pass? et l’h?ritage paternel, le place en situation de recherche de "l’omnipotence totale, celle du d?sir de toute-puissance absolue". Adnan Houbballah revient sur la d?fection pass?e de Bush p?re, laquelle a pouss? le fils ? l’action-r?action. "Chaque enfant est amen? ? d?passer le p?re et ? commettre un meurtre symbolique. Bush fils est convaincu qu’il doit mener ? bout ce que le p?re n’a pas voulu ou pu faire : aller aux portes de Bagdad." Le psychanalyste rappelle aussi la fa?on dont l’actuel pr?sident s’est sorti de l’alcoolisme : gr?ce ? Dieu - et au pr?cheur Bill Graham. "Pour lui, s’il a r?ussi ? se d?barrasser de ses d?mons ?thyliques, c’est qu’il a re?u un don divin, et il est devenu ultracroyant. Dans sa conqu?te de l’Irak, Bush a une vision de missionnaire qui doit r?tablir la justice, la paix et la d?mocratie - par la force si c’est n?cessaire."
Dans le magazine "The Week" du Kerala, le psychiatre anglais d’origine indienne, Ray Persaud**, cite George Bush appelant ? "combattre avec courage un ennemi qui ne conna?t aucune loi, qui porte des uniformes civils et dont la volont? est de tuer afin de pr?server le r?gne de terreur de Saddam Hussein". Lors de ce discours, Bush tient des propos d?nu?s de sens vis-?-vis du peuple irakien. Quel courage peut-on ?voquer quand on poss?de une force aussi ?crasante (plus de 15 000 bombes et missiles ont ?t? tir?s par la coalition depuis le d?but de l’invasion) en comparaison ? la bravoure n?cessaire pour d?fendre son pays dans une situation o? l’on est s?r de perdre ? De m?me, pourquoi les Irakiens dans un tel ?tat d’inf?riorit? choisiraient de se battre sur le terrain le plus favorable ? l’ennemi ? D’une certaine fa?on, Bush ne comprend pas pourquoi les soldats irakiens ne se pr?senteraient pas en bon ordre et en uniforme pour mieux se faire massacrer. Le Dr Persaud analyse l’aveuglement du pr?sident comme un "d?sir d?sesp?r? de pouvoir", occultant la r?alit? sur le terrain.
Revenant au 11 septembre 2001, le Dr Persaud interpr?te, lui aussi, le choc des attentats comme un v?ritable traumatisme pour George Bush. De ce point de vue, le contraste des comportements entre le maire de New York de l’?poque, Rudolph Giulani, et le pr?sident fut ?loquent : autant l’un ?tonna par sa pr?sence rapide sur les lieux de la catastrophe et son courage, autant l’autre se distingua par "un repliement apeur? sur soi", symptomatique d’un ?tat d?pressif. D’ailleurs, visiblement tr?s ?branl?, Bush n’avait pas pu retenir ses larmes en public, ? plusieurs reprises. D’apr?s le Dr Persaud, "ce comportement pr?sumait une r?action ; et on peut l?gitimement se demander si, psychologiquement, l’origine de l’incroyable r?ponse arm?e ne vient pas directement du 11 septembre". De plus, poursuit le Dr Persaud, "les repr?sailles sont plus li?es ? un d?sir d’omnipotence et de contr?le qu’? une profonde r?flexion sur les causes de l’attaque terroriste".
En divisant le monde en deux, le Bien et le Mal, en poursuivant et d?truisant l’incarnation du Mal - Saddam Hussein -, le pr?sident des Etats-Unis a sans doute trouv? une forme d’issue ? son dilemme personnel. Reste ? savoir si cette repr?sentation duelle et restrictive du monde, entra?nant bon gr?, mal gr? l’Occident ? sa suite, persistera ? imposer sa nouvelle loi par la violence. D’autant plus que, conclut Adnan Houbballah, "lorsqu’il y a dichotomie entre le Mal et le Bien - et que l’on pense incarner celui-ci -, lorsque l’on m?ne une action au nom d’une id?ologie, on peut commettre les crimes les plus abominables sans aucune culpabilit?".