"Nous vivons une crise du syst?me international", a estim? Kofi Annan, lors d’une longue conf?rence de presse qu’il a donn?e mercredi 30 juillet au si?ge des Nations unies ? New York, apr?s deux jours de r?union de travail avec une vingtaine d’organisations r?gionales. Et le secr?taire g?n?ral de l’ONU s’est demand? si cette crise pouvait ?tre surmont?e sans "une r?forme radicale" de l’ONU.
L’id?e d’une r?forme de l’ONU est apparue dans certains discours officiels, en France et en Grande-Bretagne en particulier, depuis l’intervention militaire am?ricano-britannique en Irak. "Nous y sommes pr?ts", ne cessent de r?p?ter le pr?sident fran?ais, Jacques Chirac, et le ministre des affaires ?trang?res, Dominique de Villepin, ? l’appui de leur d?fense militante de l’ONU, sans toutefois pr?ciser jusqu’? pr?sent en quoi devrait consister ? leurs yeux cette r?forme. Le premier ministre britannique, Tony Blair, a parl? aussi r?cemment de r?former l’ONU, en ?voquant notamment la n?cessit? de la renforcer dans le domaine de la lutte contre la prolif?ration des armes de destruction massive.
L’id?e d’une modification de la composition du Conseil de s?curit?, afin de le rendre plus repr?sentatif et de rendre le syst?me international plus "d?mocratique", est par ailleurs un vieux serpent de mer, qui ressurgit aujourd’hui avec plus de vigueur. Des propositions de r?formes diverses devraient donc ?tre faites en septembre, lors de l’ouverture de la session de l’Assembl?e g?n?rale.
Il n’est pas s?r toutefois qu’elles s’attaquent de front au sujet qui pr?occupe le plus Kofi Annan depuis plusieurs ann?es et qui met le plus en jeu la cr?dibilit? de l’Organisation : celui des r?gles qui doivent pr?valoir en mati?re de recours ? la force, celui de la capacit? de l’ONU ? ordonner, cautionner ou au contraire interdire le r?glement d’une crise par des moyens militaires.
Cette probl?matique a ?t? douloureusement relanc?e, au cours de l’ann?e ?coul?e, par le traitement que les Etats-Unis ont fait subir ? l’ONU dans la crise irakienne : soit l’Organisation donnait son aval ? leur d?cision unilat?rale d’intervenir en Irak, soit ils n’avaient que faire de l’ONU. Ils se sont pass?s d’elle pour lancer la guerre en Irak, infligeant de ce point de vue un grave revers ? l’Organisation, avant de revenir r?cemment ? un comportement beaucoup plus am?ne envers elle.
ATERMOIEMENTS
Mais le fait que l’autorit? des Nations unies ait ?t? ainsi bafou?e n’est pas pour le secr?taire g?n?ral le seul aspect de la crise actuelle. Les atermoiements de la communaut? internationale face ? des conflits comme ceux de la Bosnie, du Rwanda, de la Sierra Leone hier, ceux de la R?publique d?mocratique du Congo ou du Liberia aujourd’hui, sapent tout autant, aux yeux de Kofi Annan, la cr?dibilit? de l’ONU ; la non-intervention porte atteinte tout autant que l’intervention unilat?rale ? la vocation originelle de garante de la paix de l’Organisation des Nations unies.
M. Annan ne l’a pas dit, mais les Etats-Unis se distinguent ?galement de ce point de vue, par exemple, par le jeu d’esquive qu’ils m?nent actuellement pour ?viter de s’engager militairement au Liberia, o? tous pourtant, pour une fois, les r?clament. "La guerre en Irak et les crises comme celle du Liberia et en R?publique d?mocratique du Congo nous forcent ? nous demander si nos m?thodes et nos institutions permettent de faire face ? toutes les tensions", a dit mercredi le secr?taire g?n?ral.
D?s 1999, apr?s la campagne a?rienne de l’OTAN au Kosovo, contest?e par certains parce qu’elle n’avait pas ?t? clairement mandat?e par le Conseil de s?curit?, Kofi Annan avait tir? la sonnette d’alarme sur l’inertie internationale et la faillite de l’ONU, incapable d’emp?cher les exactions massives contre des civils qui caract?risent la plupart des conflits r?cents. L’inertie de l’ONU, pr?venait-il ? l’?poque avec une certaine clairvoyance, son incapacit? ? emp?cher des crimes comme ceux qui ont ?t? commis au Rwanda ou en Bosnie, seront pain b?nit demain pour les Etats qui voudront se passer de la caution internationale pour mener ? leur gr? des interventions pr?tendument "pacificatrices".
LE "SEUIL DE LA JUSTE CAUSE"
Depuis, M. Annan a engag? la r?forme du D?partement des op?rations de maintien de la paix et, conform?ment aux recommandations contenues dans le rapport qu’il avait demand? ? Lakhdar Brahimi, il a obtenu que les casques bleus soient arm?s d’un mandat "plus robuste" l? o? ils interviennent. Mais la question des r?gles qui imposent et qui l?gitiment l’engagement de la force n’a gu?re avanc? malgr? ses efforts. Tout juste les membres du Conseil de s?curit?, sur son initiative, ont-ils accept? pour la premi?re fois, il y a un an, de d?battre d’un rapport qui traitait de ce sujet tabou. Ce rapport recommandait notamment un am?nagement du droit de veto de fa?on ? ce qu’il ne soit pas opposable ? une intervention visant ? stopper des exactions massives, et il se risquait ? une d?finition du "seuil de la juste cause" ? partir duquel une intervention militaire internationale est l?gitime.
Ce n’?tait qu’un rapport. On en est rest? l? et il est peu vraisemblable que quiconque propose ? l’automne une r??criture du chapitre VII de la Charte sur le recours ? la force. Mais d’autres r?formes seront propos?es et d’une certaine mani?re elles rapprocheront, indirectement, du but : d?s lors qu’elles visent ? rajeunir l’Organisation, ? l’adapter aux r?alit?s du monde moderne, ? mieux prendre en compte le lien, soulign? mercredi par M. Annan, entre la pauvret? et les conflits, d?s lors surtout que les Etats-Unis accepteront de s’y pr?ter, elles contribueront en effet ? restaurer l’autorit? quelque peu ?corn?e des Nations unies.