Il est question, dans cet article, du statut de l’histoire en Inde. Romila Thapar, historienne, questionne les conditions d’?mergence de la discipline historique en Inde et met en lumi?re une "disjonction" originelle ayant men? tout au long du 19e et du 20e si?cle ? diverses interpr?tations de l’histoire indienne, ? savoir des interpr?tations respectivement coloniales, nationalistes et post-coloniales.
La question sera de rep?rer les causes de l’apparition de cette disjonction et de savoir dans quelle mesure l’interpr?tation historique contemporaine en Inde prend en compte la r?flexion sur ses conditions d’?mergence - si elle tient compte, par exemple, de l’influence occidentale (? la fois historique et plus g?n?ralement contextuel) sur la discipline.
L’auteur postule que cette disjonction a pour origine l’attitude des britanniques par rapport ? l’historiographie indienne et ? leur croyance - persistante - en sa non-existence pr?alable ? la colonisation de l’Inde (th?orie de l’unicit? de la civilisation indienne, comme civilisation ahistorique (1) ). Cons?quence de cette th?orie : les britanniques se sont mis en t?te de "d?couvrir" l’Inde, avec tous les probl?mes d’orientation et de distorsion que cela induit (2).
Romila Thapar rend compte ensuite de quelle mani?re vont ?merger par la suite, progressivement, de nouveaux courants d’interpr?tations de l’histoire indienne, courants davantage indianis?s et prenant peu ? peu le pas sur le point de vue occidental. Elle montre ?galement que, loin de s’exclure les uns les autres, ces diff?rents courants d’interpr?tations se sont nourris les uns les autres tout au long des d?bats ayant anim? les d?veloppement de la discipline historique en Inde. A ce propos, Romila Thapar argue du fait qu’il est tr?s difficile aujourd’hui de distinguer l’histoire indienne de l’Inde de l’histoire europ?enne de l’Inde.
L’interpr?tation coloniale
Toute la reconstruction de l’histoire de l’Inde par les europ?ens sera marqu?e par les conceptions et les d?bats europ?ens relatifs ? l’Orient (l’histoire intellectuelle europ?enne est donc pertinente ? prendre en compte lorsque l’on traite de l’interpr?tation de l’histoire indienne). L’interpr?tation de l’histoire indienne s’?tablit dans un rapport de la d?finition d’un ? soi ? relativement ? la d?finition d’un ? autre ? (l’? autre ? ?tant le monde indien, dans ce cas-ci). En clair, l’historiographie indienne permet d’?clairer l’historiographie europ?enne, et invers?ment. Par exemple : l’entreprise europ?enne aura pour objet de comprendre en quoi l’Inde a connu un d?veloppement historique diff?rent du parcours europ?en.
Par ailleurs, cette historiographie s’ins?re dans le projet politique et ?conomique de la colonisation. Autre caract?ristique importante ce de courant d’interpr?tation : la croyance coloniale de la connaissance comme source de pouvoir (croyance largement r?pandue pendant tout le 19e si?cle). Conna?tre l’histoire d’un territoire permet de le contr?ler d’autant mieux. Autre id?e : contr?ler un territoire en contr?lant son pass?. Ce sera l’objet principal de l’historiographie coloniale.
On a recours, tout au long du 19e si?cle, ? une s?rie de th?mes significatifs, comme l’orientalisme (terme d?licat, plus large que l’interpr?tation qu’en donne Edward Sa?d), qui inclut, par exemple, l’?tude syst?matique des langues et des textes. Des gens comme William Jones (Asiatic Society de Calcutta) ont essay? de trouver des liens entre l’histoire indienne et l’histoire europ?enne (d’un point de vue linguistique, entre le grec ancien et le sanskrit, par exemple) (3) .
Autre tentative : trouver des liens conceptuels et chronologiques avec l’histoire biblique. (parall?les entre l’histoire du d?luge et le Code de Manu, de Vishnou se changeant en poisson et guidant le bateau, le logeant au sommet d’une montagne, etc.).
L’attention se portait essentiellement sur les textes religieux ainsi que sur les trait?s de morale, comme le dharmashastras, qui traite des obligations rituelles et sociales aff?rentes aux diff?rents groupes sociaux (castes) en Inde. Ils puis?rent dans ces textes la compr?hension fonctionnelle des institutions indiennes du pass?.
Ces ?tudes avaient ?galement une fonction administrative. La notion du contr?le d’une soci?t? par la compr?hension de ses anciennes institutions fit l’objet d’une attention tr?s particuli?re.
Remarque : L’Inde ?tait encore consid?r?e comme une vaste contr?e exotique (importante influence du romantisme allemand : d?couverte d’un monde nouveau, non-affect? par les transformations li?es ? l’industrialisation (4)) .
Autre th?orie majeure ?mergeant du courant orientaliste : th?orie de la race aryenne. Cette th?orie, dominante tout le long du 19e si?cle, reprend aujourd’hui de la vigueur avec l’hindutva. Elle eut pour objet de d?finir l’origine de la soci?t? indienne et de fournir un d?but ? son histoire. Cette th?orie maintient que l’histoire de l’Inde commence avec l’invasion des Aryens, peuple sup?rieur venant d’Asie centrale, qui s’?tablirent en Inde gang?tique et ?tablirent les bases d’une civilisation aryenne.
Cette th?orie a ?volu? en Europe (th?orie des races et appui ? cette ?poque de la biologie (5) ) et fut appliqu?e ? la fois en Europe et en Inde. Exemple : Max M?ller reprend l’id?e que la race la plus adapt?e (les aryens europ?ens) est appel?e ? dominer. Il ?tablit ainsi une filiation entre ceux-ci et les aryens de l’Inde gr?ce aux connexions linguistiques (langues indo-europ?ennes).
Par ailleurs, une institution sociale come la caste fut consid?r?e essentiellement sous l’angle de la s?gr?gation raciale, chaque caste ?tant consid?r?e comme une race ? part. Il fut soutenu que la soci?t? indienne ?tait extr?mement avanc?e du fait qu’elle ait pu diff?rencier et s?parer les diff?rentes races dans un syst?me social comme la caste. L’origine portugaise m?me du mot caste (casta = pur) aida ? aller dans ce sens. Les hautes castes ?taient les aryens (purs) et les basses castes, les peuplades indig?nes et m?lang?es.
Cette vision des choses fut appr?ci?e par les historiens colonialistes, qui virent dans la conqu?te aryenne de l’Inde un parall?le avec la conqu?te britannique de l’Inde. Cette comparaison fut fr?quente.
Cependant, ce ne fut pas la seule tendance du 19e si?cle. Un autre groupe d’historiens contestaient les interpr?tations du courant orientaliste. Ils ?taient connus comme les historiens utilitaristes (influence de Bentham). Ils prirent le contrepied de l’approche exotico-romantique en soulignant les faiblesses de la soci?t? et civilisation indienne. Ils argu?rent qu’il y avait un besoin urgent de rationalisme et d’individualisme si l’on voulait faire progresser cette soci?t?. En cons?quence, il y avait besoin de changements l?gislatifs.
Cette approche se d?marque de la pr?c?dente par sa vision de la soci?t? indienne comme une soci?t? arri?r?e, stagnante, ainsi que par sa volont? de transformation. Remarque : cette approche critique concerne ? la fois l’Inde et l’Angleterre (de mani?re oblique).
Le personnage le plus repr?sentatif de ce courant fut James Mill (qui ?crit une histoire de l’Inde en trois volumes au d?but du 19e si?cle, texte qui devint ce que l’on a appel? le ? texte h?g?monique ? de l’histoire indienne). Il divisa l’histoire indienne en trois p?riodes : la civilisation hindoue, la civilisation musulmane et la p?riode britannique. Cette division fut structurante pour tous les courants d’interpr?tation suivants (6).
Mill arguait que l’Inde pr?-britannique n’?tait pas seulement arri?r?e et stagnante mais ?galement conforme ? l’image du ? despotisme oriental ? - concept cl? pour rendre compte de l’Inde pr?-britannique au 19e si?cle. Incidemment, cette vision co?ncidait avec la vue des missions chr?tiennes envoy?es en Inde (particuli?rement celles travaillent dans le giron de l’administration britannique).
Ces modes de pens?es n’?taient pas circonscrits ? l’Angleterre (il est int?ressant de constater que ni Mill ni M?ller ne mirent jamais les pieds en Inde, bien qu’ils y furent fr?quemment invit?s).
Cette pens?e historienne co?ncida avec un changement des politiques coloniales. Il faut se rappeller qu’au milieu du 19e si?cle, la conqu?te britannique est quasi achev?e. L’?mergence de l’industrialisation rendit n?cessaire la transformation de la structure ?conomique des colonies (de mani?re ? fournir les industries anglaises en mati?res premi?res et ? constituer des march?s d’exportations pour ces produits). C’est ? cette p?riode que le capitalisme aggressif se tranforme en imp?rialisme, menant ? une exploitation de plus en plus massive des colonies. D?s lors, les id?ologies l?gitimant ces entreprises devinrent imp?ratives. D?s lors, cette historiograhie transformatrice - appelant au changement de la nature et de la structure des colonies, fut tr?s utile aux politiques coloniales britanniques.
Un autre th?me majeur de ce courant fut celui de la soci?t? indienne comme l’ ? Autre ? de l’Europe (7) . Karl Marx, dans son ? mode asiatique de production ?, argue que les soci?t? asiatiques se distinguent des soci?t?s europ?ennes et qu’elles pr?sentent d’une certaine mani?re le renversement des explications offertes pour l’histoire europ?enne et les modes de production. Il soutient cela du fait de l’inexistence de propri?t? priv?e (en ce qui concerne les terres), du fait de l’absence de contradictions de classe, de l’absence de dialectique du changement, de l’absence de conflit de classe. Pour Marx, l’Inde est une soci?t? stagnante par essence. Remarque : ce faisant, il justifie l’intervention coloniale britannique qui, bien qu’apportant le mal, a au moins le m?rite de briser cette stagnation.
Max Weber, de son c?t?, argue que l’absence d’un ?thos puritain dans les religions de l’Inde explique la non-?mergence du capitalisme dans ces r?gions (Inde et Chine). Il n’y avait donc aucune possibilit? d’accomoder la rationalit? ?conomique aux religions indiennes.
La question de base pour Marx et Weber et pour nombre d’autres savants, ?tait de comprendre pourquoi le capitalisme ?tait d?velopp? en Europe et pas en Asie. Le contraste avec l’Europe devint le premier souci. L’Europe ?tait unique parce quelle avait d?velopp? le capitalisme (8).
Pour nombre de ces auteurs, le caract?re unique de l’Inde lui venait du syst?me des castes. C’est pourquoi celle-ci fit l’objet d’une ?tude consid?rable et mena cons?quemment ? l’id?e que le brahamanisme ?tait responsable de sa cr?ation. Cette vision des choses persista jusqu’au 20e si?cle. Les ?crits de Louis Dumont, par exeple, s’inscrivent dans cette tradition.
L’interpr?tation nationaliste
Les interpr?tation nationalistes de l’histoire indienne ont ?merg?s progressivement ? partir de la fin du 19e si?cle et se sont d?velopp?es et renforc?es tout au long du 20e si?cle.
Ce courant s’inscrit dans un contexte politique et social radicalement diff?rent du courant d’interpr?tation colonialiste en particulier et de l’historiograhie europ?enne en g?n?ral.
Il ne s’agissait pas cependant au d?but d’orienter les travaux dans le sens de l’?mergence d’un Etat-nation. Cela vint plus tard. Cet objectif vint grandir plut?t sous l’aile des mouvements anti-colonialistes.
Au sein de ce contexte nationaliste, on e?t recours ? l’histoire pour deux objectfifs :
?tablir l’identit? des indiens (qui sont-ils ? D’o? viennent-ils ? Que sont-ils ?, quelle est leur histoire et comment sont-ils arriv?s l? o? ils en sont aujourd’hui ?)
?tablir la sup?riorit? du pass? sur le pr?sent.
Le pass? lointain (la civilisation hindoue chez Mill) devint l’?ge d’or (9).
La p?riodicisation de Mill de l’histoire indienne - aujourd’hui remise en question - fut accept?e par ces historiens, qui projet?rent une dichotomie entre une Inde spiritualiste et un Occident mat?rialiste (10) . Ces historiens nationalistes prirent leurs distances du courant colonialiste mais manqu?rent de fournir une th?orie alternative explicative de l’histoire indienne. Tout en rejetant certaines id?es - comme le despotisme oriental - ils en accept?rent et en incorpor?rent d’autres, comme la th?orie aryenne de la race.
Ceci dit, le fait qu’ils contest?rent ne f?t-ce que certains aspects de l’interpr?tation coloniale suffit a lancer un d?bat. D?s le d?but du 20e si?cle, il fut reconnu que l’histoire n’est pas une discipline d?nu?e de biais, qu’elle implique une part d’interpr?tation. Ce constat est un contraste important avec la position de d?part de l’historiographie indienne.
Les interpr?tations nationalistes ont donn? lieu ? certaines interpr?tations tendancieuses, ?mergent principalement dans les ann?es 20-30. L’une d’entres elles, consid?r?e au d?part comme tr?s marginale mais qui a prit beaucoup d’importance depuis une dizaine d’ann?es ?tait un courant ?tudiant les ?crits historiques bas?s sur le nationalisme religieux et ayant trait au d?part avec les identit?s des communaut?s comme ?tant soit hindoues ou musulmanes. Ce courant ouvra la voie ? une interpr?tation communaliste de l’histoire de l’Inde.
Ces ?crits furent produit dans le contexte politique des ann?es 20-30 et furent extr?mement influents dans l’interpr?tation des p?riodes pr?-modernes - car c’est ? ces p?riodes qu’il ?tait pens? que les communaut?s hindoues et musulmanes s’?taient distingu?es et ?tablies.
L’explication historique de cette perspective est bas?e sur une explication simple, monocausale, toujours de nature religieuse. L’histoire est invariablement le produit de la confrontation ou des accomodements entre hindous et musulmans. Cette perspective s’oppose et ?carte l’histoire ?conomique et sociale (cette derni?re montrant les faiblesses et les insuffisances des explications monocausales).
Le retour en vogue de ces interpr?tations depuis une dizaine d’ann?es est le fait de la mont?e en puissance de partis politiques tirant support du nationalisme religieux (BJP). Ces partis se font constamment le relais de l’interpr?tation communaliste de l’histoire indienne.
Ces interpr?tations sont des distorsions de l’histoire indienne. Elles sont id?ologiquement limit?es et intellectuellement illettr?es, l’histoire devenant une esp?ce de cat?chisme dans lequel les questions et les r?ponses sont connues d’avance. Il s’agit alors d’adh?rer ou pas ? ces questions et r?ponses. Il n’y a aucune tentative d’explorer intellectuellement ce qu’il y a derri?re ce cat?chisme. Le but est de d?finir l’identit? indienne comme ?tant sp?cifiquement hindoue et de conduire les gens ? choisir cette identit? unique. Cela va ? l’encontre des enseignements de l’histoire de l’Inde, qui a toujours ?t? une civilisation faite d’identit?s multiples. La contestation actuelle et potentielle aujourd’hui se fait sur les identit?s et sur les droits relatifs ? ces identit?s, oubliant que celles-ci ne sont jamais historiquement permanentes, qu’elle changent et ?voluent constamment et que les identit?s actuelles ne peuvent en aucune mani?re ?tre repouss?es dans le pass?.
L’interpr?tation post-coloniale
Au moment m?me o? les th?orie nationalistes furent revivifi?es par divers supports politiques, elles furent de plus en plus contest?es par de nouveaux courants d’historiens.
Il y a eu grosso modo deux directions alternatives vers lesquelles l’histoire indienne s’est dirig?e, toutes deux int?ressantes et stimulantes d’un point de vue intellectuel.
L’une de ces directions sont les ?crits marxistes, influence majeure dans les ann?es 60-70. Ce qui est int?ressant ? propos de ces ?crits, c’est que - bien que recourrant ? la m?thode dialectique et au mat?rialisme historique - ils s’?loign?rent des donn?es rendues par Marx et Engels sur l’histoire asiatique. Par exemple, le questionnement important ? propos du mode asiatique de production est venu des historiens marxistes. Il y a eu un usage cr?atif des analyses marxistes, en les accrochant aux questions relatives aux modes de production.
Les d?bats ont ?galement tourn?s autour de l’application de la th?orie des cinq ?tapes de l’histoire europ?enne ? l’Inde (communisme primitif, esclavage, f?odalisme, capitalisme et socialisme). Pouvait-elle s’adapter ? l’Inde, ou fallait-il recourir ? une autre p?riodicisation, en utilisant le mat?rialisme historique sans pour autant le conformer ? la th?orie des cinq ?tapes ou au mode de production asiatique ?
Ces d?bats - connus sous le noms de d?bats sur la transition (transition debates) - retinrent particuli?rement l’attention en p?riode de changements. Ainsi, dans les ann?es 1970, on se demandait si une forme de capitalisme pr?existait en Inde, au moment de l’arriv?e des britaniques. Quel ?tait l’?tat de l’?conomie indienne ? La fameuse th?orie de la ? ponction ? (drain theory) connut ses beaux jours - l’argument ?tant que l’Angleterre en plein d?veloppement industriel pilla l’?conomie indienne, contribuant ? appauvrir la soci?t? indienne. Dans les ann?es 1980, le d?bat se tourna davantage sur le f?odalisme. Ce d?bat court toujours d’ailleurs.
Le centre d’int?r?t s’est d?plac?, on le devine, vers l’histoire ?conomique et sociale et vers un questionnement sur la p?riodicisation de l’histoire. Cela a ouvert et diversifi? le champ d’investigation de l’histoire indienne, m?me aupr?s de gens non influenc?s par le marxisme.
L’emphase porta sur la distinction entre les soci?t?s modernes et les soci?t?s pr?-modernes (les soci?t?s pr?-modernes sont-elles des soci?t?s ferm?es, ancr?es, ou plut?t ouvertes ?).
Ces historiens se sont concentr?s sur les ?conomies pr?-modernes et sur la mani?re dont elles diff?rent des ?conomies modernes, ainsi que sur les changements sociaux accompagnant le changement fondamental du clan ? la caste. Les changements historiques au sein des castes a ?galement retenu l’attention (contrairement aux p?riodes pr?c?dentes, o? l’on avait une vision de la caste comme ?tant une institution rigide, fig?e).
Toutes ces ?volutions ont g?n?r? des mat?riaux pour l’?tude comparative et ont apport? de nouveaux questionnements au sein d’autres disciplines (par exemple, l’?tude de la religion comme id?ologie sociale...). L’autre groupe ayant jou? r?cemment un r?le important est le groupe connu comme celui des ? historiens subalternes ?. Ce sont pour la plupart des historiens de l’Inde moderne ayant jet? de nouvelles perspectives sur l’?tude du nationalisme indien, arguant du fait que ce type d’?tude fut domin? tout au long du 20e si?cle par un ?litisme se concentrant soit sur l’administration coloniale soit sur les ?lites indig?nes, les bourgeois nationalistes et les classes moyennes. Ils soulignent l’importance de consid?rer la participation des groupes subalternes dans la marche de l’histoire (comme le fait Gramsci). ? Regarder l’histoire ? par en bas ? ? devint leur slogan.
Ils eurent recourt ? diverses sources, s’?cartant des archives et des papiers officiels pour privil?gier les sources locales, priv?es et populaires. Ils soulign?rent ?galement l’importance et la l?gitimit? de la tradition orale. Ils abord?rent le contexte de production des sources historiques. Il s’?cart?rent des grandes g?n?ralisations pour faire de l’histoire locale, fragmentaire. ils remirent en question la possibilit? m?me de faire des g?n?ralisation historiques. Ils postulent que chaque ?tude se contient elle-m?me, ?tablissent ?ventuellement des petits poins de connexions entre elles, mais de mani?re secondaire.
Romila Thapar reconna?t les avantages m?thodologique de cette approche de l’histoire - largement influenc?e par le post-modernisme (lectures multiples des textes, multiplicit? des sources, privil?ge des sources orales, locales et populaires, etc.) - mais se r?serve la possibilit? de pouvoir proc?der en histoire ? des g?n?ralisations (ne f?t-ce que pour renseigner du contexte dans lequel ces histoires locales et particuli?res prennent place).
Elle souligne l’incapacit? de cette approche ? fournir des g?n?ralisations et donc sont incapacit? intrins?que ? proposer une interpr?tation alternative de ph?nom?nes comme le nationalisme. Il manque un cadre g?n?ral explicatif reliant tous les ?l?ments autour d’un point central.
Elle remarque en outre que ce type d’interpr?tation de l’histoire n’a pas encore eu d’impact sur l’histoire de l’Inde pr?-moderne. Cela vient sans doute du fait de la nature des sources et de la mani?re dont les historiens les manipulent.
Ceci dit, ce courant a eu un impact formidable sur plusieurs aspects de l’histoire du tiers-monde en dehors de l’Inde, du fait de son association avec le post-modernisme (dans ses phases les plus r?centes). Ce faisant, il encourage les ?tudes comparatives.
En conclusion, l’auteur a essay? de sugg?rer qu’il y a, dans l’?criture moderne de l’histoire de l’Inde, un dialogue et un d?bat continu entre les interpr?tations coloniales, nationalistes et avec les ?volutions de la discipline dans la phase post-coloniale. Cela a aboutit ? une modification des cadres conceptuels et th?oriques utilis?s, en Inde et en dehors de l’Inde. Cela a non seulement enrichi la th?orie historique mais a ?galement contribu? ? affiner le d?bat et l’?valuation de la compr?hension du pass? de l’Inde. L’auteur esp?re ?galement que ces ?volutions permettront d’atteindre une compr?hension du pass? plus perceptive, condition selon elle de la compr?hension du pr?sent.